L’archéologie des Tanneries ou la mémoire de l’oubli

Pierre-Jacques Ratio

Pierre-Jacques Ratio

Alors que l’Association canadienne d’archéologie s’insurge contre la destruction du site archéologique des Tanneries situé sous l’échangeur Turcot, les ministres Robert Poëti et Hélène David ainsi que le maire de Montréal Denis Coderre, préfèrent annoncer la création d’ un « comité qui sera chargé de trouver un projet pour mettre en valeur les 150 caisses d’artéfacts récupérées sur le site.» 

De son côté Stéphan Deschênes, directeur du projet Turcot au ministère des Transports, plaide également pour la destruction archéologique en raison de la nature instable et marécageuse des sols qui doivent accueillir à cet endroit un collecteur des eaux usées qui desservira 140 000 foyers.

tannerie

Encyclopédie Diderot et d’Alembert : Tanneurs, -1762

Une odeur de déjà vu 

Faubourg quebec

Le Faubourg Québec enl, 2006, Ville de MTL

Le 18 août 1993 dans le dossier controversé du Faubourg Québec (un immence site archéologique du Vieux-Montréal qui fut entièrement détruit pour faire place à des condos), Les Nouveaux Montréalistes, un groupe de pression engagé dans les questions d’intérêt public touchant le patrimoine écrivait ceci dans Le Devoir :  «tant et aussi longtemps qu’il n’existe aucune politique cohérente de gestion à la ville de Montréal qui permette aux archéologues de poursuivre leurs divers travaux et de formuler des recommandations pertinentes suffisamment à l’avance et à travers des programmes structurés, ni la préservation des vestiges importants, ni le développement sain et rationnel de l’archéologie urbaine ne sera possible.» Il est vrai que depuis cette époque, la technologie a progressé et c’est pourquoi les autorités ont annoncé qu’un relevé 3D des structures du village des Tanneries sera également réalisé en guise de «mémoire virtuelle».

Rien de nouveau sous le soleil

Villa-Montcalm

La Villa Montcalm avant sa destruction en 1977

Aux personnes qui pensent encore que la destruction de sites archéologiques est un phénomène nouveau dans la Province de Québec; détrompez-vous! Déjà en 1994, mon collègue Robert Bilodeau et moi-même écrivions ceci dans Le Devoir du 28 décembre : « […] Différents dossiers notamment celui du Faubourg Québec à Montréal qui a amené l’UNESCO à offrir sa médiation face à la colère de certains citoyens opposés à cette braderie de notre patrimoine archéologique […] Plusieurs sites archéologiques connus de la région de Montréal ont été littéralement effacés […] : le site Munn, important chantier naval montréalais du XIXe siècle, le fort de Laprairie datant du XVIIe siècle, le site institutionnel de L’Assomption, le cimetière juif du Square Dorchester au centre-ville, certaines parcelles du Vieux-Longueuil pour n’en nommer que quelques unes.»

«Je me souviens» une devise à bannir !

Armoiries_du_Québec.svg

Armoiries du Québec depuis 1939.

Même si la devise du Québec est Je me souviens, nous vivons dans une province qui prend un malin plaisir à détruire systématiquement les traces de son passé surtout lorsqu’il s’agit de la Nouvelle-France. C’est ce que j’appelle le nivelage par le bas. Imaginez par exemple, un américain qui s’aviserait de détruire le QG du général Washington, il serait immédiatement jugé comme traître à la nation et il serait vraisemblablement exécuté. Ici dans la province de Québec, on a pu en toute impunité détruire le QG du général Montcalm (un crisse de Français et un estie de Looser, anyway!). Alors si vous pensez sauver les vestiges archéologiques des Tanneries, bonne chance! Personnellement j’en doute car comme l’écrivait récemment mon collègue et ami François Véronneau : «À chacun sa méthode… certains font sauter leur vestiges, comme Daech à Palmyre, d’autres utilisent des moyens disons… plus subtils, mais le résultats est le même. Dans ce cas-ci, l’oblitération d’un lieux de mémoire, même si M. Poëti dit avoir fait son devoir en récoltant des caisses d’artefacts qu’ils veulent mettre en valeur. Le lieux et la richesse de cet ensemble parfaitement conservé, traces d’une proto-industrie organisée autour d’un ruisseau canalisé, mérite une mise en valeur in situ.»

libres99

10 Commentaires

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10 réponses à “L’archéologie des Tanneries ou la mémoire de l’oubli

  1. L’archéologie et ma passion et mon loisir,,je snifff pour cette place de tanneries. Bob

  2. C. Lalande

    Je suis indignée par ce gouvernement sans vision, autre que celle de ses poches

  3. Noël

    Vraiment honteux !

  4. Michelle Pouliot

    Je me souviens de quoi ?

  5. Pierre Drouin

    Ça fait longtemps que je dis que la devise du Québec est ou devrait être :«Je me souviens … de rien!»

  6. claude joyal M. Sc. Archéologue

    Merci à Pierre-Jacques Ratio d’illuminer notre mémoire du passé; à nos ancêtres qui ont forgé notre province et notre culture.

  7. alain bissiere,viticulteur

    Les grands decideurs obeissent aux goupes de pression,pourtant il y a un interet economique evident dans la preservation du patrimoine,mais voila…
    D’ou l’interet de rester vigilant

  8. Pierre Drouin

    À quand la mise en place d’un vrai groupe de pression dont l’intérêt premier serait la protection et la mise en valeur du patrimoine archéologique (… et autre) et qui regrouperait non seulement les archéologues et les amis de l’archéologie – dont le nombre est netement insuffisant pour avoir quelque force que ce soit -, mais aussi toutes les personnes (milieu économique, commercial, industriel, culturel, patrimonial, etc.) qui croient en l’importance de ce patrimoine. Ce n’est qu’à ce prix qu’on pourra faire quelque chose. Lorsque seulement le monde de l’archéologie s’agite, c’est considéré seulement comme du lobbyisme!

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